A l’heure d’une contraction économique mondiale

L’articulation de l’économie mondiale a connu une contorsion sévère au second trimestre de l’année 2020. Pour cause, l’ampleur de la pandémie de coronavirus ainsi que la crise qui en découle n’ont cessé de faire vaciller toutes les données phares de l’architecture macroéconomique. Partie de la métropole industrielle chinoise de Wuhan en fin 2019, la Covid-19, dans son entreprise globalisante, n’a pu épargner aucun secteur d’activité.

De la dégringolade des marchés boursiers…

De Dow Jones à Euro Stoxx 50 en passant par Shanghai ou encore Nikkei 225 et Tadwul All Share, la contraction économique n’a cessé de faire osciller les indices boursiers mondiaux avec des chutes considérables frôlant parfois la pire catastrophe connue au cours des précédentes décennies. En effet, les mesures de précaution mais aussi de confinement prise en vue d’enrager la propagation du coronavirus ont provoqué une récession globale drastique qui a secoué la corde économique mondiale. Perdant leur équilibre de funambule et s’embrouillant dans des programmes de soutien fiscal et monétaire sans précédent, les Etats ainsi que les multinationales oligopolistiques n’ont pu résister à la massue pandémique. En réalité, l’explosion du nombre de cas dans le monde entre février et mai a affolé les investisseurs et remis en cause les bons présages longtemps imagés sur les différentes cotations boursières internationales. Ainsi, au mois de mars déjà, l’on assista à l’une des plus sombres dégringolades de la bourse de New York. Le Dow Jones Industrial Average chuta de 9,99% à 21.22,006 points. L’indice vedette de Wall Street n’avait plus connu une si forte baisse depuis le fameux krach boursier d’octobre 1987 où il avait dévissé de plus de 22%. Les experts parlaient alors de la cinquième plus lourde chute de l’histoire de Dow Jones. Au même moment, le Nasdaq, à forte coloration technologique, plongeait de 9,37% et l’indice élargi S & P 500 s’écroulait de 9,28% à 24.59,33 points. Les marchés font alors face à une extrême volatilité depuis le début de la pandémie. La progression du virus semble alors plus forte que les espoirs engendrés par les mesures de relance des gouvernements.

A côté de la chute vertigineuse et abracadabrantesque du marché américain, les principales bourses européennes également n’ont pu éviter la zone rouge de l’effondrement boursier occasionné par les caprices d’un virus caligineux. Sur fond de dégradation lié à la situation sanitaire dont l’impact s’est fait énormément ressentir sur l’activité économique, l’Euro Stoxx 50 a vu son indice cédé de 0,83% vers fin avril début mai alors que le CAC 40 à Paris faisait un recul de 1,03% à 4.177,65 points. Le Dax perdait à la même période 0,6% en Allemagne et du côté de Londres, le FTSE abandonnait 0,66%. Les manifestations de la pandémie deviennent ainsi sulfureuses. Son ampleur et sa durée voire même les distorsions provoquées échappent à toute prévision.

En Asie, la rocambolesque chute boursière n’a laissé indifférent aucun marché au niveau continental. A Tokyo, jamais une chute si importante n’avait été vécue depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011. En effet, l’indice de Nikkei avait plongé de plus de 10% au moment où celui de Topix s’ébranlait à 9,38%. La Chine, premier foyer mondial du virus, connaissait déjà en avril un déficit de 7,97%, perte subie par l’indice de Shanghai. Hong Kong quant à lui voyait son indice chutait de 5,06% à 23.709,51 points, une instabilité jusque-là jamais connue par l’ancien archipel britannique. L’indice de Shenzhen lui perdait 2,62% à 1.770,96. Une vraie débâcle historique des bourses mondiales qui ont du mal à faire face à une montée inexorable de la pandémie à laquelle s’ajoute les actions en ordre dispersé des Etats et des banques internationales. La tourmente financière sur les marchés mondiaux avait fini par entrevoir des arcanes économiques méconnus des experts sur une courte période et les solutions semblaient être une atrophie pour les gouvernants et décideurs de la scène internationale.

A cette baisse spectaculaires des indices boursiers et avec un contexte commercial tendu, s’ajoutait une autre menace qui n’a pu manquer de faire ses émules. En vrai, la pandémie de coronavirus s’est vue accompagner d’une guerre intumescente des devises. Entre la fin du premier trimestre 2020 et le mois de mai de la même année, l’on a assisté à une fragilité considérable des cours monétaires. Ainsi, la livre a connu une baisse de 13% face au dollar américain en l’espace seulement de quinze jours au moment où le rouble en perdait 20% mais sur la période ferme d’un mois. La résistance de l’euro n’a pas empêché un effritement même s’il s’est maintenu autour de 1.10 face au dollar US. D’autres pays, quant à eux, ont connu un contexte structurel assez particulier avec des difficultés manifestes à tenir leur devise et qui sont mis à mal par le système financier. A titre d’exemples, le Liban et l’Equateur ont vu leur réserve de change perdre toute valeur alors que l’Argentine, de son côté, sous le poids de la dette, sollicitait l’appui du FMI qui annonçait déjà avoir reçu des demandes de prêts de la part de 83 Etats au début du mois de mai.

La propagation du coronavirus en dehors de la Chine a ainsi déclenché une augmentation brusque de l’aversion au risque des investisseurs, ce qui a d’ailleurs justifié que les Etats soient tous dans une obligation de reprendre pleinement leur rôle de valeurs refuges. La Réserve fédérale américaine a inopinément réduit son principal taux directeur de 0,5 % pour soutenir l’activité économique. En Europe, la présidente de la Banque centrale Christine Lagarde s’est montrée plus réservée, estimant qu’il est encore trop tôt pour songer à de nouvelles mesures d’expansion monétaire.

… à la chute de l’or noir

Sur un autre registre encore plus salé que le monde boursier ou celui des changes, le pétrole ou idylle des pays de l’OPEP n’a pas pu s’arroger comme un thaumaturge sortant l’économie mondiale des cordes sibyllines de la pandémie. Au contraire, sa thébaïde n’a jamais été aussi austère en tant de crise. Une ribambelle d’événement ont conduit à l’une des plus folles chutes du prix du baril de pétrole. Réunis le 6 mars à Viennes, l’Opep et la Russie ont échoué sur une baisse de leur production afin de pouvoir stabiliser les cours internationaux. Pour faire son égo face à la réticence russe, l’Arabie Saoudite annonce une guerre des prix démesurée. Le baril chute pour une première depuis des décennies à moins de 30 dollars US. Alors que le défis était de synchroniser la sphère financière et la sphère réelle, la dynamique économique et la dynamique sociale afin d’éviter l’accroissement des inégalités donc repenser l’architecture internationale, les protagonistes de Viennes manquèrent l’ingéniosité de nous faire frôler les retombées négatives d’une crise jusque-là mal contrôlée. En réalité, la raison des tensions économiques est que la Chine à elle seule contribue depuis 2010 à environ 40% de la croissance de l’économie mondiale étant ainsi le premier consommateur de la plupart des produits de base et le premier partenaire commercial de nombreux Etats. Mais cette importante participation de la Chine ne pouvait être effective cette année du fait des lésions importantes provoquées par le coronavirus. Alors, il était inévitable de recourir à une baisse de production pétrolière mondiale.

Le coup bas subi à la réunion de Viennes était que les pays de l’Opep et ceux en dehors de l’Opep ne voulait pas perdre des parts de marchés dans une conjoncture fluctuante et imprévisible. Le lundi 20 avril, cette mésentente structurelle accompagnée d’un égoïsme sans précédent venait d’éclore ses fruits. En effet, à la fin d’une séance infernale, le baril de l’or noir côté à New York pour livraison au mois de mai terminait pour la première fois de son histoire sous zéro dollar. Who would have believe it ? Les avions cloués au sol, la paralysie des transports nationaux et internationaux ainsi que la réduction de la production industrielle mondiale venaient de démystifier l’importance capitale de l’une des plus grandes richesses des pays du Golfe.

L’Afrique exige des moratoires de dettes au monde créancier

En Afrique, les effets mondiaux de la pandémie se sont rapidement ajoutés aux nombreuses difficultés économiques et financières que le continent connait depuis des années. Même si le nombre de cas enregistré est loin de celui des autres entités du globe, l’Afrique a vu la pandémie secouer ses réserves économiques. En effet, la forte dépendance du continent de l’extérieur tant pour sa production que pour sa consommation est à l’origine des conséquences néfastes du coronavirus. Ainsi, la croissance économique du continent devrait tomber à 1,8% au lieu de 3,2% cette année prévoit la Commission économique pour l’Afrique. Les données macroéconomiques subiront des distorsions relevant notamment de la chute des exportations des matières premières et l’interconnexion du continent avec les économies affectées de l’union européenne, de la Chine et des Etats-Unis aura des effets d’entrainements déclare la secrétaire de la Commission. La pandémie fera chuter alors les recettes d’exportation de combustibles du continent à hauteur de 101 milliards de dollars. Autre secteur menacé, le tourisme. Le Maroc, par exemple, tire 10% de son PIB de cette activité avec un pourcentage équivalent à l’emploi. De même, l’arrêt des activités dû au confinement risque de faire aggraver la perte d’emplois partout à travers le continent.

Ces difficultés enregistrées depuis le début de la pandémie auront d’importantes répercussions sur l’économie africaines et pourront retarder le plan de développement continental axé sur 2063 et le plan de développement mondial ou horizon 2030.

Cette situation complexe a poussé ainsi les grands créanciers du continent d’annoncer un moratoire de la dette pour 12 mois. D’ailleurs, le remboursement de cette dette considérable a créé des contradictions entre pays occidentaux. Du moment où le Président français exige, pour sa part, une annulation de la dette extérieures des pays africains, les ministres des finances et gouverneurs des banques centrales du G7 et du G20 se sont dits juste favorables à une suspension et non une annulation de la dette. Les moratoires accordés permettent ainsi de repousser l’échéance et d’apporter des liquides supplémentaires aux Etats qui auront besoin de liquidité. Sur le continent africain, principal concerné des mesures, le Président Macky Sall a eu à se prononcer sur la dette. Pour lui, la crise provoquée par la pandémie est l’occasion de définir un nouvel ordre mondial et cela passe, entre autres, par l’annulation pure et simple de la dette des pays africains et non par un simple moratoire. A rappeler que la Chine est le plus grand créancier de l’Afrique pesant autour de 20% de sa dette extérieure.

Le gouvernement sénégalais au secours des ménages et des secteurs fragiles

Au Sénégal, soucieux des impacts négatifs de la pandémie sur les données économiques nationales, le gouvernement, dès fin mars, annonce la création d’un Fond de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid19. Un fonds qui devra se faire doter de 1000 milliards de FCFA. L’objectif premier de cette dotation est de pouvoir soutenir en ligne de mire les entreprises, les ménages et la diaspora. Ainsi, une enveloppe de 50 milliards servira à l’achat de vivre pour l’aide alimentaire alors que les entreprises se voient déjà bénéficiaires de réductions fiscales générales et spécifiques. Les mesures générale ont notamment permis d’accorder une remise partielle de la dette fiscale constatée au 31 décembre 2019 due par les entreprises et particuliers pour un montant de 200 milliards. Les mesures spécifiques, quant à elles, ont été directement destinées aux secteurs les plus vulnérables aux impacts de la pandémie tels que l’hôtellerie, la restauration, les transports et la culture.

Les données sont là. Entre le temps d’un virus, l’humanité a vu ce qu’il avait de plus cher perdre une importance capitale de sa valeur. L’économie mondiale aura donc tremblée d’une résonance sismique. Mais la faille provoquée n’est pas d’une fatalité irréparable et l’après Covid19 annonce déjà des lendemains meilleurs.

Une pensée sur “A l’heure d’une contraction économique mondiale

  • 9 juin 2020 à 7 h 52 min
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    Très pertinent, bien structuré et très soigné, est votre article. Bonne continuation

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