L’impact du pétrole sur l’économie mondiale

Depuis 1973, la consommation finale mondiale de combustibles énergétiques a pratiquement doublé, passant de 4,7 à 8,7 milliards de tonnes d’équivalent pétrole (Gtep). Parmi les principaux combustibles, on retrouve en ordre croissant d’importance le charbon (0,9 Gtep), les biocarburants et déchets (1,1 Gtep), le gaz naturel (1,3 Gtep), des combustibles divers (1,8 Gtep), mais surtout les produits pétroliers et le pétrole brut (3,6 Gtep). Le pétrole représente ainsi 41 % de toute la consommation mondiale énergétique. Cette importance découle de son utilisation pour de nombreuses applications, autant chez les individus que les industries.

En effet, en 2010, 62 % de l’utilisation des produits pétroliers visait le transport, 9 % les besoins industriels, 17 % la fabrication de produits non-énergétiques et 12 % d’autres besoins. C’est dans le secteur des transports que l’utilisation du pétrole a le plus augmenté au cours des dernières années; entre 1973 et 2010, la consommation dans ce secteur est passée de 1,0 Gtep à 2,2 Gtep.
L’augmentation de la consommation énergétique est directement liée à la croissance de la population et de la richesse, les pays en développement consomment entre 0 et 10 barils de pétrole par habitant sur une base annuelle alors que les pays industrialisés en consomment plutôt entre 5 et 15. La croissance économique des pays influence donc fortement la demande de produits pétroliers. Par ailleurs, certains pays producteurs sont aussi des pays à forte intensité de consommation, telle que l’illustre plusieurs autres pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).

En 2012, les plus grands consommateurs de pétrole étaient les États-Unis et la Chine. Comme la Chine a connu une croissance économique fulgurante et qu’elle possède un fort bassin de population, sa consommation de pétrole a bondi à un rythme annuel moyen de 6,6 % entre 2003 et 2012 pour atteindre 483,7 millions de tonnes. À l’inverse, la consommation aux États-Unis a diminué d’environ 1,0 % annuellement, bien qu’elle atteigne toujours près du double de la consommation chinoise avec 820 millions de tonnes et qu’elle représente seulement environ le quart de la population chinoise. C’est le même constat pour les pays européens dont la consommation de pétrole a diminué en raison du ralentissement économique et des efforts de substitution de leur consommation énergétique. Globalement, la consommation mondiale de pétrole a augmenté de 411 millions de tonnes en 10 ans pour atteindre 4,12 milliards de tonnes en 2012.

Pour faire face à cette croissance de la demande, le taux d’utilisation des capacités de raffinage ne cesse d’augmenter. Or, les Etats-Unis présentent un déficit important en termes de capacité de raffinage depuis plus d’une vingtaine d’années en raison d’une demande qui croit à un rythme supérieur à l’installation de nouvelles capacités. L’Europe se trouve dans une situation d’équilibre fragile avec une capacité de raffinage quasiment stable depuis une dizaine d’années et une demande en faible croissance. Il existe en outre une inadéquation entre l’outil de raffinage et la demande : déficit d’essence aux Etats-Unis et excès en Europe (manque de distillats moyens). Ces tensions ont été accentuées aux Etats-Unis par les dommages liés aux ouragans. Dans ces conditions de tensions entre les capacités de raffinage et la demande, le taux d’utilisation des raffineries se maintient à des niveaux très élevés (plus de 90%) augmentant les risques d’incidents et les tensions sur les prix.

La localisation des réserves de pétrole et des capacités de raffinage ainsi que les flux commerciaux qui en résultent dessinent la géopolitique mondiale du pétrole. Celle-ci est dominée par deux grandes catégories d’acteurs : d’un côté les grands pays importateurs qui doivent payer leur facture pétrolière et de l’autre les grands pays exportateurs qui dépendent des ressources financières du pétrole. Les recettes et les factures dépendent des trois variables suivantes : volume concerné et poids dans l’économie nationale, prix du pétrole et taux d’échange par rapport au dollar.
Bien que la consommation dépende du niveau de développement, la production, elle, dépend des dotations géologiques en gisement de pétrole. Cela implique donc que certaines régions du monde sont plus favorisées que d’autres. Le Moyen-Orient représente à lui seul le tiers de la production mondiale et continue d’augmenter sa production d’environ 1,9 % annuellement afin de satisfaire la demande mondiale. Mais c’est en Russie que la production augmente le plus rapidement, soit à un rythme de 2,4 % annuellement au cours des 10 dernières années. Au cours de cette dernière décennie, malgré la diminution de la production européenne et nord-américaine, la production mondiale a pu prendre le relais et atteindre 4,12 milliards de tonnes l’année dernière.

Par ailleurs, le pétrole brut se doit d’être raffiné avant d’être consommé. Les États-Unis, l’Europe et la Chine représentent à eux-seuls plus de 50 % des capacités de raffinage. Cette activité de transformation alimente ainsi le commerce international de pétrole qui permet d’acheminer le brut des pays producteurs vers les pays raffineurs; des 4,12 milliards de tonnes de pétrole brut produit en 2019, 47 % étaient transigés internationalement. Le marché du pétrole est donc intégré mondialement et cela se reflète sur les principaux prix de référence qui sont fortement corrélés.

Historiquement, le prix du pétrole brut en dollars constants a diminué de façon uniforme, mais il a atteint deux nouveaux sommets depuis 1960 : un premier en 1980 (qui suivait le saut de 1972) et un second en 2011(qui suivait la tendance depuis le début des années 2000), ce dernier ayant atteint le prix de 113,56 $US le baril de Brent.

C’est principalement cette hausse marquée du prix du pétrole brut qui a entrainé une forte augmentation de l’activité d’exploration de l’industrie pétrolière au cours des dernières années. Entre 2000 et 2019, le nombre d’appareils de forage a pratiquement doublé à l’échelle mondiale afin de découvrir de nouvelles réserves de pétrole. Les États-Unis et le Canada accueillaient sur cette période 65 % des forages mondiaux avec respectivement 1 919 et 365 appareils de forage actifs en moyenne au cours de l’année 2019.

La hausse de l’attrait pour l’industrie pétrolière se reflète aussi par les montants dépensés en exploration et production (E&P). Entre 2005 et 2013, les investissements en E&P ont triplé atteignant les 644 milliards de $US. En 2013, la part du lion aura été dépensée aux États-Unis avec près de 22 % des investissements mondiaux totaux.

L’industrie pétrolière connait parfois aussi des chutes drastiques. En effet, La baisse des prix du pétrole a un impact immédiat sur les marchés des changes à travers la chute des devises des pays exportateurs de pétrole. L’effet est particulièrement notable pour des pays qui n’ont pas une économie diversifiée et dont les coûts d’extraction du pétrole sont élevés. C’est le cas du Venezuela mais aussi de la Russie.

Les ressources pétrolières de la Russie, mais aussi de gaz naturel dont le prix est indexé sur le pétrole, représentent plus de la moitié des recettes d’exportation du pays. En 1998, lors de la crise asiatique et de la chute du baril à 10$, la Russie s’était déclarée en cessation de paiement. Pour éviter un effondrement du rouble si le pétrole chute, la Banque Centrale le défend en se portant acquéreuse de roubles en échange de devises étrangères. Mais pour cela, elle doit avoir accumulé assez de réserves de change quand les recettes pétrolières sont élevées. Elle peut aussi remonter ses taux d’intérêt pour rendre attractive la détention de rouble sur les comptes rémunérés des banques russes. Mais cela constitue un vrai risque pour l’économie : le niveau très élevé des taux d’intérêt disqualifie tout projet d’investissement financé par emprunt bancaire réduisant la croissance et enclenchant un cercle vicieux : baisse du PIB, vente de roubles, etc…

La forte baisse du prix du pétrole affecte également les indices boursiers des places financières, et notamment de celles sur lesquelles la capitalisation boursière des entreprises spécialisées dans le secteur de l’énergie et de la production de pétrole pèse lourdement. C’est notamment le cas du CAC 40 en raison du poids de Total dans l’indice phare de la Bourse de Paris (encore 9 % début 2017 soit la plus forte pondération du CAC 40, mais qui a même atteint jusqu’à 15 %, le plafond maximum autorisé d’un titre dans l’indice). Ce phénomène ne se limite pas à la France puisque dans le principal indice américain, le S&P 500, le secteur de l’énergie a représenté plus de 15 % avant la crise de 2008 (contre 7,5 % aujourd’hui).

Les perspectives de baisse de la rentabilité de ces entreprises génèrent alors de forts courants vendeurs sur ces titres.
Par ailleurs, les places financières sont également touchées indirectement par la baisse du prix du pétrole : beaucoup de spéculateurs ou de hedge funds parient sur la poursuite de la hausse du prix du pétrole via le marché des futures. Quand la chute des cours les prend au dépourvu, ils se retrouvent dans l’obligation de dénouer ces positions spéculatives en enregistrant des pertes importantes.

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