Les pesticides interdits en France : un défi majeur pour les producteurs de betterave
La filière française de la betterave sucrière se trouve confrontée à un défi de taille : l’interdiction progressive de certains pesticides, et notamment des néonicotinoïdes. Ces substances, longtemps utilisées pour protéger les cultures contre des ravageurs comme les pucerons vecteurs de la jaunisse, sont désormais proscrites en raison de leurs effets néfastes sur la biodiversité, en particulier les pollinisateurs. Cette transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement met sous pression les producteurs, qui cherchent des solutions alternatives pour maintenir leurs rendements et la pérennité de la filière.
L’interdiction des néonicotinoïdes : une saga complexe
L’usage des néonicotinoïdes est officiellement interdit en France depuis 2018. Cependant, face à l’ampleur des dégâts causés par la jaunisse virale sur les cultures de betteraves, notamment en 2020 où les pertes de rendements ont été dramatiques (chutes allant jusqu’à 50% dans certaines régions), des dérogations temporaires ont été accordées. Cette situation a créé un débat intense entre les défenseurs de l’environnement, qui s’inquiètent de l’impact sur la biodiversité, et la filière agricole, qui craint pour sa survie économique. La Cour de justice de l’Union européenne a finalement tranché en janvier 2023, jugeant illégales les dérogations nationales à l’interdiction des néonicotinoïdes. Cette décision a mis un terme définitif à la possibilité pour la France de recourir à ces substances pour les semences de betteraves sucrières, incitant la filière à accélérer la recherche et le déploiement d’alternatives.
La jaunisse de la betterave : un fléau persistant
La jaunisse de la betterave est une maladie virale transmise par les pucerons, qui provoque un jaunissement des feuilles et un fort ralentissement de la croissance de la plante, entraînant une baisse significative du rendement sucrier. Les néonicotinoïdes, appliqués sous forme d’enrobage des semences, offraient une protection efficace contre ces pucerons dès le semis. Leur interdiction a donc laissé les cultures vulnérables, rendant la recherche de solutions de substitution d’autant plus urgente.
Les alternatives à l’étude et les défis à relever
Face à cette nouvelle réalité, la filière betterave-sucre, avec le soutien des pouvoirs publics, s’est engagée dans un plan national de recherche et d’innovation (PNRI) visant à trouver des solutions alternatives durables. Plusieurs pistes sont explorées :
* Solutions phytosanitaires de synthèse ou d’origine naturelle : Des produits comme le flonicamide ou le spirotétramate ont montré une certaine efficacité, mais ne sont pas toujours suffisants en cas de fortes pressions de pucerons. Des résistances peuvent également apparaître, nécessitant une vigilance constante.
* Lutte biologique : L’utilisation d’auxiliaires de cultures, comme les insectes prédateurs ou parasitoïdes des pucerons, est une voie prometteuse mais qui demande du temps pour se développer et s’intégrer pleinement dans les pratiques agricoles.
* Pratiques agronomiques : Des techniques comme le décalage des dates de semis, l’utilisation de plantes compagnes (graminées) pour repousser ou piéger les pucerons, ou un travail du sol spécifique peuvent contribuer à réduire la pression des ravageurs.
* Sélection variétale : Le développement de variétés de betteraves résistantes ou tolérantes à la jaunisse virale est considéré comme la solution la plus pérenne.
Cependant, ce processus est long et complexe, nécessitant des années de recherche et de sélection pour obtenir des variétés combinant résistance et bon rendement. La transgénèse, bien que controversée, est parfois évoquée comme une voie potentielle pour accélérer ce processus.
L’avenir de la betterave sucrière en France
L’interdiction des néonicotinoïdes marque un tournant pour la filière betteravière française. Elle la contraint à repenser ses pratiques et à investir massivement dans la recherche et l’innovation pour une agriculture plus durable. La réussite de cette transition est essentielle pour maintenir la production de sucre en France et assurer la compétitivité de la filière face à la concurrence internationale. L’accompagnement des agriculteurs par des aides financières et techniques est également crucial pour les aider à faire face aux pertes de rendements potentielles pendant cette période de transition.

